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BASSINS : DES STRATÉGIES S'ENCLENCHENT

La gestion des références disponibles par bassin devrait clore, en partie, l'injustice des dotations faites aux JA entre départements riches et pauvres en réserve de quotas.© PHILIPPE MONTIGNY/FILIMAGES

La gestion par bassins desserre la contrainte des quotas pour les plus dynamiques. Tandis que d'autres cherchent le moyen de préserver l'activité sur des zones en déprise.

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Grand Ouest. Produire et transformer plus de lait

Premier bassin avec un quota de 7,8 mdl (milliards de litres) de lait au 1er juillet 2010, le grand Ouest se prépare à une augmentation de ce volume qui dépasse 8 mdl au 1er avril 2011. Sur la campagne en cours, ce sont 200 Ml (millions de litres), dont plus de la moitié en raison de la hausse du quota national, qui devront être attribués. En effet, avec une réserve régionale faible par rapport à sa référence totale (moins de 100 Ml), le grand Ouest est l'un des grands bénéficiaires de cette nouvelle gestion par bassins qui lui permet de recevoir 40 Ml de plus qu'auparavant au titre du 1 % européen. Si le bassin est assez homogène en ce qui concerne les dimensions d'exploitations et les taux de réalisation des quotas, les règles des PAD sont diverses. La première conférence a supprimé les prélèvements sur les transferts fonciers. Elle a également décidé de maintenir les règles d'attribution des PAD pour quelques mois. Mais la conférence de juin devrait établir les règles du bassin et elles seront rétroactives au 1er avril, dans la mesure où elles seront plus favorables aux producteurs.

Il semble se dessiner un consensus autour de la nécessité de conforter les exploitations qui sont en mesure de produire et volontaires pour le faire, afin de les renforcer avant 2015. Ce sont donc celles qui produisent régulièrement leurs quotas qui bénéficieront des volumes supplémentaires. Pour les représentants des producteurs et des coopératives, l'enjeu est que le bassin puisse exprimer rapidement tout son potentiel. Les industriels privés semblent plus réticents, craignant une hausse de la collecte dont ils n'ont pas besoin. Dès que les règles d'attribution seront tranchées, la conférence se penchera sur la question de la capacité de transformation, pour résoudre le problème de la saturation des outils. Des réflexions sont déjà en cours à ce sujet, notamment au sein de Coop de France Ouest. L'administration a pleinement pris conscience du problème et si les décisions relèvent des industriels, elle se dit prête à jouer son rôle d'accompagnateur. Il s'agit d'un enjeu majeur pour faire face à la croissance de la production.

Normandie. Satisfaire des besoins divergents

Exercice délicat en Normandie. À l'ouest, la Manche avec ses 4 300 producteurs pour 1,3 mdl et seulement 10,4 Ml de réserve départementale en 2010. À l'est, l'Eure confrontée localement à une déprise laitière au profit des cultures. Sa réserve est à l'image de cette situation : 9,6 Ml pour 620 producteurs et 238 Ml. Pour la première, qui gère la pénurie laitière avec, certaines années, des rallonges JA de 10 000 l, la tentation est grande de récupérer le maximum de volumes. Pour la seconde, l'objectif est de soutenir ses zones traditionnelles laitières. Ces divergences ont été mises sur la table le 5 mai, lors d'une réunion technique animée par l'administration régionale. Elle prépare la conférence laitière fixée au 21 juin. « La Basse-Normandie ne formule pas de demandes précises », avance prudemment Sébastien Amand, de la FRSEA Basse-Normandie. « Il est structurellement logique que la Manche abonde à la réserve régionale deux fois plus que nous, analyse Jocelyn Pesqueux, de la FRSEA Haute-Normandie. Cela n'empêche pas de demander l'équité de traitement, à commencer pour les JAIl est structurellement logique que la Manche abonde à la réserve régionale deux fois plus que nous. En proportion des volumes départementaux, nous avons autant d'installations dans notre région que dans la Manche. L'an passé, dans chaque département, les JA ont bénéficié en moyenne de 60 000 l de rallonge (NDLR : 40 000 l dans la Manche). L'objectif est d'être à ce niveau cette année. » Pour la Haute-Normandie, le risque de migration majeur porte sur les TSST. Elle plaide la prudence et demande encore leur gestion départementale pour cette année.

Grand Est. Travailler au mieux dans la diversité

Avec ses vingt départements allant de la région parisienne aux frontières allemande et suisse, le bassin du grand Est laissait les observateurs dubitatifs. Comment faire travailler ensemble sur la répartition des quotas disponibles, ce meltingpot réunissant lait standard et AOC, zones de déprise laitière et régions dynamiques, plaines et montagne ? Deux grandes craintes s'expriment. D'abord que la Bourgogne et l'Île de France, à plus faible densité laitière, voient leurs références disponibles siphonnées par des régions en manque de quota, comme la Lorraine. À l'inverse, la zone AOC franccomtoise s'alarmait d'un afflux de lait qui pourrait déstabiliser ses marchés. Cette diversité a conduit l'administration à construire une conférence de bassin avec une flopée d'experts censés la représenter. « Avec plus de quarante personnes autour de la table, les deux représentants des syndicats majoritaires sont un peu noyés. Il faut reconnaître que les clivages sont apparus plus régionaux que syndicaux », commente Sylvain Frantz, de l'OPL. Round d'observation et de présentation, la première conférence du grand Est n'a pas pris de grandes décisions. La définition des catégories de prioritaires attendra fin juin et les volumes attribués le seront en automne, quand les demandeurs se seront fait connaître et quand la manne à distribuer sera connue. On parle déjà de 90 Ml en incluant le + 1 % de l'Union européenne. Une seule chose a été actée : pour ne pas freiner l'installation, les règles des CDOA s'appliqueront pour les JA jusqu'au 31 août. Au-delà, il y aura un rattrapage pour ceux qui ont reçu moins que ce que la conférence de bassin offrira alors. Mais dans le grand Est où les tensions existent, les trois familles de l'interprofession ont demandé au préfet de région de clarifier ce qu'il était possible de faire ou pas. L'idée est d'attribuer des allocations différenciées selon les zones. En clair, ne pas donner aux AOC plus de lait qu'elles n'en veulent et être plus généreux envers les zones de déprise afin d'y maintenir les producteurs et les transformateurs. La Confédération paysanne militera pour ouvrir la possibilité de créer des références dans les zones à faible densité laitière.

Nord-Picardie-Ardennes. Maintenir l'équilibre cultures-lait

Dans une région où polyculture-élevage et élevage spécialisé se côtoient, l'objectif est de maintenir le paysage laitier en l'état. Face à la concurrence des céréales, les six départements craignent l'émergence de territoires en déprise laitière. « Notre région alimente les grands bassins de consommation de Lille et Paris. Elle bénéficie de la présence des grands groupes laitiers et d'un réseau de coopératives. Il faut préserver ce dynamisme », affirme Alain Gilles, président de la FRPL. La conférence du 24 mai a acté plusieurs décisions pour éviter ce scénario. D'abord, à partir de la réserve estimée à 60 Ml, soutenir l'installation par l'attribution d'une rallonge JA de 60 000 l. Elle est majorée de 25 % dans la zone ICHN des Ardennes. Ensuite, conforter les exploitations de taille modeste. Le quota moyen régional est d'environ 160 000 l par exploitant. Pourront donc bénéficier d'un surplus de quota les structures avec un quota/UMO (un salarié maximum compté) inférieur au quota moyen des demandes d'attribution. À condition de produire au moins 85 % de leur référence. « Cette attribution pourrait être jusqu'à deux fois plus élevée que celle allouée aux exploitations dépassant cette moyenne régionale. » Reste à décider s'il faut conforter de façon indifférenciée ou non les fermes de polyculture-élevage et les élevages spécialisés en lait. « La création à marche forcée des bassins laitiers ne nous a pas laissé le temps d'aborder le sujet. Ce sera fait à laprochaine conférence laitière, en automne. » Avec une chance : les six départements sont concernés.

Bassin Sud-Est. Conforter les uns sans affaiblir les autres

Composé de dix-sept départements, le territoire du bassin Sud-Est est situé à 73 % en zone défavorisée et de montagne. Représentant 7 % du quota national mais 10 % des producteurs, il se présente comme une entité complexe tant dans ses structures de production que dans les modes de valorisation du lait (AOC-IGP, standard). Le quota moyen de 210 000 l, inférieur de 80 000 l à la moyenne nationale, revêt des écarts importants : 143 000 l en Ardèche, 324 000 l dans l'Ain. « L'enjeu, souligne Jean Claude Rabany, président de la Fédération régionale laitière de Rhône- Alpes (FNSEA), est de ne pas casser la dynamique des zones productives tout en remettant du lait sur les régions intermédiaires en dangerest de . » Dans ce grand bassin de consommation (douze millions d'habitants), l'objectif est de produire le quota pour conserver les entreprises. Or, en 2009, la sous-réalisation se montait à 7 %.

Outre une volonté forte de donner de la lisibilité aux JA (les engagements pris dans les CDOA seront tenus) et d'accompagner les investisseurs, la nécessité de conforter les exploitations dynamiques s'est exprimée lors de la première réunion de la conférence. Les modalités seront affinées fin mai lors de la seconde.

Pour freiner la déprise, un dispositif pourrait être expérimenté dans trois secteurs des Hautes-Alpes, de la Drome et de l'Ardèche. Une partie des volumes à redistribuer (66 Ml pour la campagne 2011-2012) pourrait être réservée à des projets et à des investissements viables. « Si le dispositif fonctionne, propose la FRL, alors il pourrait être étendu à d'autres secteurs ». Par ailleurs, des règles spécifiques seront accordées aux filières AOC-IGP.

Grand Sud-Ouest. L'enjeu majeur est de fixer l'activité laitière

Le bassin du Sud-Ouest ne rassemble pas moins de trois régions administratives : Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi- Pyrénées. Un territoire varié qui ne pèse que pour 7,6 % du quota national (1,7 milliard de litres) et 8,4 % des livreurs, donc une faible densité d'élevage et des coûts de collecte élevés. Ce bassin est en déprise structurelle avec une production qui baisse régulièrement de 4 % par an. En 2010, la sous-réalisation a atteint le niveau record de 17 %. La région s'illustre aussi pour ses arrêts de collecte et le manque d'empressement des transformateurs nationaux à reprendre les producteurs abandonnés, le plus souvent par les collecteurs espagnols. Pourtant, ce bassin a des atouts : une population de six millions d'habitants, une transformation orientée sur les produits de grande consommation et la présence des plus grands groupes laitiers. L'enjeu est donc de fixer l'activité laitière. Malgré la diversité, la première conférence de bassin a abouti à un consensus. C'est que le Sud- Ouest, plus précisément son interprofession laitière, a déjà une expérience de la mutualisation régionale des références. D'abord à l'intérieur de Midi-Pyrénées, puis avec le Languedoc Roussillon. Les professionnels ont donc voulu aller vite. Ainsi les modalités de redistribution des quotas mutualisés à l'échelle du bassin sont-ils déjà arrêtées pour la campagne 2011-2012. Les demandeurs n'ont que jusqu'au 15 juin pour se faire connaître (au lieu de l'habituel 1er septembre) et la conférence de bassin du 14 octobre officialisera leurs références. Le volume à distribuer devrait être d'environ 70 Ml, sachant que le Sud-Ouest, du fait de ses sous-réalisations, ne devrait pas accéder pas au 1 % européen. Les professionnels souhaitent que tous les demandeurs puissent obtenir quelque chose. La conférence a déjà donné ses ordres de priorité. Les jeunes recevront 100 000 l sur deux campagnes. Ensuite, plus étonnant, la possibilité de créer une référence pour un agriculteur débutant la production laitière. Une demande forte de la Confédération paysanne, même si le nombre de candidats sera limité. Viennent ensuite les récents investisseurs et ceux qui sont dans une filière AOC. Enfin, tous ceux qui produisent plus de 90 % de leur quota devraient recevoir de 5 000 à 15 000 l selon leur taux de réalisation. La conférence de bassin a aussi acté qu'il n'y aurait pas de prélèvements sur les transferts fonciers. Par ailleurs, mission a été donnée à l'interprofession régionale de rédiger un plan stratégique pour la filière.

Charentes-Poitou. Tendre vers la production du quota

C'est l'un des plus petits bassins avec une collecte de 1,3 mdl. Mais il se classe en tête sur la production moyenne par exploitation avec 443 000 l. En incorporant la Haute-Vienne et la Vendée à la région Poitou-Charentes, le périmètre est calé sur celui de la zone AOC du beurre Charentes-Poitou. Mais il s'agit d'une zone hétérogène. D'un côté, la Vendée qui produit 41 % du lait du bassin avec un taux de réalisation du quota de 100 %. De l'autre, la Charente- Maritime est en sous-réalisation de 23,6 %. Le bassin ne produit que 92,3 % de sa référence et le lait recule au profit des céréales dans certaines zones. L'un de ses premiers objectifs est de rapprocher la production de la référence en préservant une répartition équilibrée sur le territoire. Autre caractéristique de cette région, l'essentiel de la collecte est réalisé par les coopératives Glac et Eurial, dont la fusion annoncée l'an dernier tarde à se concrétiser.

Lors de la conférence d'avril, la première décision a concerné l'harmonisation des dotations pour les JA qui s'installent avec les aides. Ils bénéficieront de 200 000 l sur deux ans, avec un plafond fixé à 350 000 l par actif. Pour la Vendée, c'est deux fois plus qu'auparavant, mais il s'agit d'un recul pour d'autres départements. Cette disposition pourra être revue en septembre. La suppression des prélèvements en cas de transfert foncier a également été actée. De même que la non-prise en compte des salariés pour les attributions de quota afin de favoriser l'installation. La prochaine réunion se tiendra en juin et devra décider des attributions de quotas pour les autres éleveurs.

Auvergne-Limousin. Produire les volumes et valoriser le lait de montagne

Ce bassin regroupe la région Auvergne et deux départements limousins : la Creuse et la Corrèze. Il ne représente que 5,6 % de la référence nationale, mais 8 % des producteurs. Les exploitations sont de petite taille (livraison moyenne de 170 053 l) et possèdent souvent un troupeau allaitant. Alors que deux tiers d'entre elles sont situés en zone de montagne, seulement un tiers des litrages est valorisé en AOC. L'un des enjeux sera de mieux identifier ce lait afin d'augmenter sa valeur ajoutée. Ce bassin souhaite par ailleurs qu'une mutualisation des volumes soit mise en place avec le Sud-Ouest afin que les litrages libérés dans le Massif central restent sur place. Lors de la première conférence, les représentants se sont mis d'accord pour poursuivre la politique laitière décidée dans les CDOA. Objectif numéro un : produire la totalité de la référence du bassin. Les volumes supplémentaires seront en priorité attribués aux jeunes agriculteurs installés depuis moins de cinq ans. Les investisseurs seront également servis en premier, tout comme les exploitations dont l'activité nécessite d'être confortée. Les détails techniques d'attribution seront fixés d'ici à la fin du mois de juin. D'ores et déjà, on sait que les JA pourront obtenir une rallonge maximale de 100 000 l sur deux ans, avec la possibilité dérogatoire de se voir accorder une année supplémentaire. Ces jeunes pourront aussi bénéficier de volumes supplémentaires s'ils rentrent dans les critères des producteurs dits « investisseurs ».

Centre. Conforter les zones à faible densité laitière

Difficile de brosser un portrait type de ce bassin qui rassemble la région Centre et la Nièvre. D'un côté, l'Indre-et-Loire, un département très laitier avec de grosses structures de plus de 500 000 l de lait. De l'autre, des élevages de plus petite taille, en sous-réalisation chronique dans l'Indre, le Cher et la Nièvre. Ce bassin, en déprise laitière, compte également une majorité d'exploitations de type polyculture-élevage. En moyenne, seulement 89 % de la référence sont réalisés par 1 400 producteurs.

Tout comme le Sud-Ouest, le Centre ne devrait pas profiter du 1 % européen. L'enjeu est avant tout de produire ses volumes. « Il ne faut pas que les entreprises qui transforment le lait sur place aillent le chercher ailleurs », alerte Xavier Courboin, président de la FRPL. L'objectif est aussi de préserver un maillage d'exploitations suffisamment important dans les zones à faible densité laitière afin d'y maintenir la collecte. Les litrages à redistribuer iront prioritairement aux JA. Ils devraient se voir attribuer 50 000 l par an, pendant trois années. Ensuite, les « cessionnaires », c'est-à-dire les exploitations qui ont perdu du quota lors de la dernière campagne laitière parce qu'elles étaient en sous-réalisation, devraient le récupérer. Les litrages restants seront redistribués selon une méthode de calcul qui reste à fixer. Elle devrait prendre en compte le nombre d'UTH, l'adhésion à la charte des bonnes pratiques d'élevage et le fait d'être situé ou pas dans une zone de déprise laitière. Les producteurs ayant investi récemment pourraient aussi se voir attribuer des volumes supplémentaires.

UNE ENQUÊTE DE LA RÉDACTION

La gestion des références disponibles par bassin devrait clore, en partie, l'injustice des dotations faites aux JA entre départements riches et pauvres en réserve de quotas.

© PHILIPPE MONTIGNY/FILIMAGES

Ça grince parfois dans les départements à faible densité avec la peur d'une migration de la production vers les zones plus dynamiques.

© WATIER-VISUEL

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